Ronelda Kamfer, poète (Afrique du Sud)

© Adine Sagalyn
© Adine Sagalyn

Née en 1981, Ronelda Kamfer a passé une partie de son enfance dans une banlieue pauvre et violente de Cape Town, traumatisme au cœur de sa poésie.

Son premier recueil de poèmes « Noudat slapende honde » (Kwela Boeke, Le Cap, 2008) a remporté en 2009 le prestigieux Prix Eugene-Marais décerné par l’Académie sud-africaine. Le deuxième, « Grond/Santekraam », est paru en 2011 (Kwela Boeke, Le Cap). Les deux livres ont été publiés en édition bilingue afrikaans-néerlandais chez Podium (Amsterdam, 2010 et 2012). Des poèmes traduits en français par Pierre-Marie Finkelstein sont parus dans plusieurs revues et anthologies.

Ronelda Kamfer est régulièrement l’invitée de nombreux festivals en Afrique du Sud et à l’étranger.
Parmi ses influences, elle cite Derek Walcott, Charles Bukowski mais aussi la poète sud-africaine Antjie Krog.

À l’initiative de l’association Larochellivre, en collaboration avec le Centre Intermondes, et dans le cadre des Saisons Afrique du Sud – France 2012-2013 (www.france-southafrica.com), la poète sud-africaine a fait une résidence d’écriture de deux mois à La Rochelle. À cette occasion, Ronelda Kamfer a travaillé sur son troisième recueil de poèmes, consacré à la dualité des émotions et aux femmes à travers plusieurs points d’entrée : la mort de sa mère quelques semaines avant la naissance de sa propre fille ou encore l’impact des violences faites aux femmes.

Pendant sa résidence à La Rochelle qui a eu lieu à l’automne 2013, une tournée organisée par la Maison de la Poésie de Nantes a mené Ronelda Kamfer, accompagnée de la poète sud-africaine Lebo Mashile, à la rencontre du public dans plusieurs villes françaises : Nantes, Rennes, Paris et Marseille.

Quand et comment as-tu décidé de devenir écrivain ?

J’ai mis pas mal de temps à décider que j’étais écrivain, peut-être deux ou trois ans. Même après avoir publié mon premier livre, je n’arrivais pas à m’appeler comme ça. Ce n’est que quand j’ai écrit mon deuxième livre que j’ai réalisé : « Mais tu es un écrivain ! ».

Est-ce qu’il est difficile d’en faire sa profession aujourd’hui ? Pourquoi ?

Je pense que ça a toujours été difficile, même si dans le « Golden Age » des années 50, les écrivains comme Salinger ou Scott Fitzgerald étaient payés comme les stars de cinéma. Je pense qu’une partie des problèmes qui affectent les écrivains aujourd’hui est liée à la concurrence qu’il y a avec la télévision et le cinéma. Les personnes deviennent progressivement passives, moins intelligentes et curieuses sur les choses qui se passent, et on peut attribuer ça au matraquage du marketing moderne. La  littérature commerciale a beaucoup de succès aujourd’hui. L’artiste qui essaie de créer quelque chose de sérieux, souffre en général, et ce quelque soit le moyen d’expression.

Quelles sont les motivations principales qui te poussent à écrire ?

Ce qui me motive à écrire peut être n’importe quoi en fait. Dans la vie nous associons nos expériences avec de nombreuse choses différentes. Il m’arrive donc d’avoir quelques modestes « moments Proustiens » où l’odeur de certaines choses ou le commentaire de quelqu’un réveille un souvenir dans ma mémoire. Je suis toujours fascinée de voir comment ces souvenirs remontent à la surface comme des indices ou des images que mon cerveau essaie de faire sortir et de comprendre. Cette constance qui m’habite lorsque j’écris, c’est ce sentiment de colère. J’écris parce que je suis en colère et que je ne vois rien de bon à garder cette colère en moi.

Quels sont les sujets que t’inspirent le plus pour écrire ? Et pourquoi ?

Je me sens à l’aise quand j’écris sur des choses que je comprends. Je n’écris pas de fantaisies et de fiction. Je déguise souvent la vérité, car je ne me sens concernée que par la vérité. Tout comme on a chacun nos propres vérités, celles qu’on expérimente. Je sais qu’on peut aussi parler de ça avec la science-fiction mais je ne suis pas douée pour inventer des choses.

En tant que citoyenne sud-africaine, qu’est-ce qui t’as le plus marqué dans la société française ?

Comme dans tous les pays européens, c’est surtout les infrastructures et les vêtements.

Le contexte sud-africain est-il plus inspirant pour toi que le français ?

Je pense que l’Afrique du Sud est ce que je connais vraiment. Je peux voir et comprendre les autres pays mais l’Afrique du Sud est à l’intérieur de moi, et c’est en moi que je regarde toujours pour m’inspirer. Je ne regarde pas les nouvelles et je ne lis pas non plus d’articles ou d’histoires pour m’inspirer. Je suis inspirée par ce que je connais, et il faut dire aussi que, pour le moment, j’ai seulement vu le bon côté de la France.

Est-ce que tu penses que tu auras toujours des idées pour écrire ? Et aussi, quels sont tes prochains projets ?

Je pense que si tu es sud-africain et que tu te considères toi-même en tant qu’écrivain tu as déjà gagné. L’Afrique du Sud est un endroit tellement fou et bordélique que tu aurais besoin de deux vies pour écrire seulement sur la moitié. Actuellement je suis en train d’écrire un nouveau recueil de poésie et je travaille sur une nouvelle graphique avec mon mari.

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