Les accrochages du Musée des Beaux-Arts : à la découverte d’une belle initiative !

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Les rugbymen du Stade Rochelais au musée © Théophile Trossat

Depuis 2008, le Musée des Beaux-arts de La Rochelle a mis en place une politique d’accrochage inédite de ses collections. Chaque année, c’est un groupe de citoyens rochelais qui choisit, parmi les collections du musée, les œuvres qu’il aimerait voir exposées pendant un an. Pour cette 8ème édition, qui sera inaugurée à la rentrée, ce sont les rugbymen du Stade Rochelais qui sont aux commandes ! Nous sommes partis à la découverte de ce projet, unique en France.

Entretien avec Annick Notter, conservatrice des Musées d’Art et d’Histoire de La Rochelle.

Pourriez-vous nous présenter le Musée des Beaux-Arts ?

Le musée a officiellement ouvert en 1843 mais la société des amis des arts a commencé à acquérir des œuvres dès 1841. Tout au long des 19ème et 20ème siècles, la collection s’est enrichie grâce à des achats et de nombreux dons et legs de la part des membres de la société. Les collections sont pour l’essentiel constituées de peintures de salon classiques des 19ème et 20ème. Au niveau des acquisitions, on n’est pas dans la modernité, nous n’avons par exemple pas d’œuvres issues des mouvements fauve ou cubiste.

Dès ses débuts, le musée est installé au 2ème étage de l’hôtel Crussol d’Uzès. Depuis 2012, les collections du Musée d’Orbigny-Bernon (qui est à présent fermé) ont été rapatriées au Musée des Beaux-arts, lequel occupe à présent l’ensemble du bâtiment. Le rez-de-chaussée du bâtiment est quant à lui dédié à l’espace d’art contemporain.

A la rédaction, nous avons entendu parler d’un projet de réunification du Musée des Beaux Arts et du Nouveau Monde (actuellement réunis sous l’appellation Musées d’Art et d’Histoire), pourriez-vous nous en dire plus ?

Effectivement, nous avons présenté aux élus un projet de restructuration des Musées d’Art et d’Histoire. Nous souhaiterions raconter l’histoire de la ville de La Rochelle à travers ses collections artistiques. Or parler de La Rochelle, c’est aussi évoquer l’histoire de la traite négrière, de la relation de la ville au Canada et du commerce transatlantique. Il s’agirait ainsi d’intégrer le Musée du Nouveau Monde dans cette fresque historique. Pour cela, nous souhaiterions joindre physiquement les deux établissements par le biais d’un passage souterrain. Nous savons que cela est possible car les deux musées sont situés l’un en face de l’autre et qu’un réseau de caves les relie.

Pouvez-vous nous décrire le principe de l’Accrochage ? Pourquoi et comment l’idée vous est-elle venue ? Quelles sont les collections concernées ?

La particularité du Musée des Beaux-arts, c’est que ses collections sont constituées d’environ 800 à 850 tableaux, pour une surface d’exposition de 400m2. L’espace dont nous disposons ne nous permet d’exposer qu’environ 70 à 80 œuvres, ce qui représente seulement 10% de la collection.

Lors de mon arrivée dans cette ville en 2008, je me suis lancée le défi de transformer ce désavantage en quelque chose de positif. La collection n’est pas d’une qualité extraordinaire. Nous n’avons que très peu de chefs d’œuvres que nous ne pouvons pas nous permettre de cacher. Consciente de cette réalité, j’ai pris le parti de renouveler chaque année l’accrochage grâce à une présentation thématique. Cela permet aux œuvres en réserves de sortir. Seul un petit noyau d’œuvres, parmi lesquelles on retrouve les tableaux des orientalistes, est exposé de manière continue.

J’ai fait le premier accrochage moi-même, puis je me suis dit que si je continuais à le faire, il risquait d’être répétitif. De plus, je n’ai pas un regard neutre sur les œuvres, en tant que conservatrice je suis formatée, j’ai certaines exigences et jamais je n’oserais faire sortir des réserves des œuvres d’une qualité insuffisante.

En partant de ce constat, j’ai pensé qu’il serait intéressant de faire participer les habitants à la vie du musée. Une des règles que je me suis fixée est de toujours confier l’accrochage à un groupe de personnes et non pas à un seul individu. En 2008, j’ai donc demandé aux gardiens du musée de choisir les œuvres qu’ils avaient envie de voir exposées pendant un an. L’aventure a commencé comme cela !

Puis ils ont été suivis par des élèves de la classe de terminale en histoire des arts du lycée Dautet, par la société des amis des arts, par un collectif d’artistes locaux, par les agents du centre technique municipal et enfin en 2013-2014 par un groupe de femmes de Mireuil. L’accrochage dure toujours un an de septembre à août.

L’accrochage n°8 a été préparé par les rugbymen du Stade Rochelais, c’est un choix plutôt étonnant ! Comment décidez-vous de faire appel à tel ou tel groupe de citoyens ?

En confiant cet accrochage annuel à un groupe de citoyens, je cherche à toucher des catégories de personnes très différentes (âge, milieu social, centres d’intérêt) et pas nécessairement, mais de préférence, éloignées des problèmes culturels. Il n’y a aucunement besoin de posséder des connaissances préalables en histoire de l’art pour participer, bien au contraire. Il s’agit pour ces groupes de choisir des œuvres qu’ils aiment, qui leur font plaisir et qu’ils aimeraient voir accrochées dans le musée.

La première étape consiste à convaincre un groupe de personnes de le faire et ce n’est pas toujours facile ! Le travail de préparation commence une année en amont. Un groupe de travail est constitué, il se réunit lors de plusieurs séances. Au programme : consultation des catalogues photographiques des œuvres, sélection individuelle d’images dans un premier temps puis mise en commun ensuite.

Comment s’opère le choix de la thématique ?

A partir de là, on voit ensemble quelles sont les dominantes, ce qui ressort de leur sélection et surtout comment leurs choix peuvent s’articuler dans quelque chose qui prend sens. Un vrai travail intellectuel se met alors en place pour en dégager une logique et une pertinence. En tant que conservatrice, j’accompagne le groupe tout au long de ces séances de travail mais je m’interdis toute intervention dans le choix des œuvres. En revanche, je les aide souvent à déterminer la thématique. Certains groupes arrivent aussi avec des idées précises de thèmes mais c’est loin d’être toujours le cas.

Enfin, la dernière étape consiste à construire la scénographie de l’exposition. Là aussi, on commence par déposer les tableaux au pied du mur sans les fixer, des ajustements sont ensuite faits par le groupe.

Le produit fini est toujours intéressant. Ces œuvres d’une qualité artistique moyenne prennent justement tout leur sens dans cet ensemble construit. De plus, nous n’avons pas moins de 70% d’œuvres nouvellement sorties des réserves à chaque édition.

Une fois l’accrochage prêt, comment vit-il ?

Nous travaillons toujours sur un catalogue d’exposition, cela permet de garder une trace de l’accrochage. C’est aussi un véritable outil d’expression pour le groupe. Nous demandons aux participants de rédiger un texte de deux pages, dans lequel ils expliquent l’intérêt qu’ils ont trouvé à la réalisation de l’exposition. Dans le cas des rugbymen, ils ont envie de montrer au public qu’ils ne sont pas que « des brutes » mais qu’ils ont eux aussi une sensibilité artistique.

Ensuite, le groupe fait au moins une présentation publique de l’accrochage, cela a toujours lieu un dimanche. Selon l’implication et la disponibilité des groupes, nous construisons parfois une programmation culturelle spécifique autour de l’exposition. L’accrochage n°7 sur les femmes a donné lieu à des visites guidées, des conférences, nous avons également organisé un événement pour la journée de la femme…

Quel bilan pouvez-vous faire de ces accrochages ?

Du côté des participants, les retours sont très positifs. Si les groupes sont souvent craintifs au premier abord, leur enthousiasme et leur motivation l’emportent toujours. Réaliser un accrochage, c’est quelque chose de très valorisant. C’est un travail qui donne lieu à une production, que l’on partage ensuite avec ses proches et avec un public.

Pour le musée c’est aussi l’occasion d’amener de nouveaux publics et peut-être qui sait de les fidéliser. Dans le cas du stade rochelais, si sur 11 000 supporters, il y en a 1 000 qui viennent, qui n’ont jamais mis les pieds au musée et qui se disent qu’en franchir la porte ce n’est pas si difficile et que cela peut même être plaisant, ce sera déjà une victoire ! A noter également que nous sommes le seul musée en France à confier son accrochage à un groupe de citoyens.

Quelles sont vos pistes pour les prochains accrochages ?

Pour la 9ème édition, nous avons prévu de travailler avec le pénitencier de Saint-Martin de Ré, pour la 10ème, je pensais peut-être faire travailler une classe de CM1. Les idées ne me manquent pas ! Dans un avenir plus lointain, j’aimerais faire travailler le milieu touristique (hôteliers, restaurateurs, personnel de l’office de tourisme…).

A la rédaction d’Arttes, nous ne pouvons que souhaiter une longue vie à ces accrochages !

Informations pratiques

Accrochage n°8 réalisé par les rugbymen du Stade Rochelais : « Sur le terrain des arts ». Du 9 septembre 2014 à fin août 2015.

Horaires d’ouverture : lundi, mercredi, jeudi et vendredi de 10h à 13h et de 13h45 à 18h / samedi, dimanche et jours fériés de 14h à 18h.

Tarifs : à consulter sur le site internet de la ville.

 

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